La transition énergétique des copropriétés dégradées : défis et solutions de l’audit énergétique

Face à un parc immobilier vieillissant et énergivore, la France a renforcé son arsenal législatif pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments. Les copropriétés dégradées représentent un défi majeur dans cette transition : souvent caractérisées par une gouvernance défaillante, des difficultés financières et un bâti détérioré, elles cumulent les obstacles à la rénovation. L’audit énergétique constitue la première étape indispensable pour diagnostiquer les performances thermiques et orienter les travaux prioritaires. Entre obligation réglementaire et opportunité de revalorisation du patrimoine, cette démarche s’inscrit dans un cadre juridique complexe qui nécessite une approche méthodique et collaborative pour surmonter les blocages techniques, financiers et humains inhérents aux copropriétés en difficulté.

Cadre juridique de l’audit énergétique en copropriété : une évolution constante

Le législateur français a progressivement renforcé les obligations en matière d’audit énergétique pour les copropriétés. La loi ELAN du 23 novembre 2018 a marqué un tournant significatif en rendant obligatoire le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) collectif pour les immeubles en copropriété. Cette obligation s’est vue complétée par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, qui impose un calendrier contraignant pour la rénovation des passoires thermiques.

Pour les copropriétés de plus de 50 lots, l’audit énergétique est devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2017. Le décret n° 2012-1342 du 3 décembre 2012 précise les modalités d’application de cette obligation pour les bâtiments à usage principal d’habitation en copropriété de cinquante lots ou plus, équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement, et dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001.

La loi Climat et Résilience a renforcé ce dispositif en instaurant un Plan Pluriannuel de Travaux (PPT) obligatoire pour toutes les copropriétés de plus de 15 ans. Ce plan doit être précédé d’un Diagnostic Technique Global (DTG) comprenant une analyse approfondie de la performance énergétique du bâtiment. Le calendrier de mise en œuvre s’échelonne entre 2023 et 2026 selon la taille des copropriétés :

  • Au 1er janvier 2023 : copropriétés de plus de 200 lots
  • Au 1er janvier 2024 : copropriétés entre 50 et 200 lots
  • Au 1er janvier 2025 : copropriétés de moins de 50 lots construites avant 1975
  • Au 1er janvier 2026 : autres copropriétés de moins de 50 lots

Le contenu réglementaire de l’audit énergétique a été précisé par l’arrêté du 28 février 2013. Il doit comporter une analyse détaillée du bâti, des installations collectives de chauffage, de refroidissement, de production d’eau chaude sanitaire, de ventilation et d’éclairage. L’audit doit proposer des scénarios de travaux permettant d’atteindre, à minima, une réduction des consommations d’énergie primaire d’au moins 30%.

Pour les copropriétés dégradées, le cadre juridique prévoit des dispositions spécifiques. La loi ALUR du 24 mars 2014 a instauré des outils adaptés comme les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) et les plans de sauvegarde. Dans ce contexte, l’audit énergétique peut bénéficier de financements majorés, notamment via l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) ou les collectivités territoriales.

Le décret tertiaire du 23 juillet 2019 impacte par ailleurs les copropriétés mixtes comprenant des locaux commerciaux ou professionnels d’une superficie supérieure à 1000 m². Ces bâtiments sont soumis à l’obligation de réduction des consommations énergétiques de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040 et 60% d’ici 2050.

L’évolution constante de ce cadre juridique témoigne de la volonté du législateur d’accélérer la transition énergétique du parc immobilier français, avec une attention particulière portée aux situations de précarité énergétique souvent rencontrées dans les copropriétés dégradées.

Méthodologie et spécificités de l’audit énergétique en copropriétés dégradées

L’audit énergétique en copropriétés dégradées présente des particularités méthodologiques qui le distinguent d’un audit classique. La dégradation du bâti, les dysfonctionnements techniques et la fragilité socio-économique des occupants nécessitent une approche adaptée.

La première phase consiste en un diagnostic approfondi qui dépasse la simple analyse thermique. L’auditeur doit évaluer l’état structurel du bâtiment, les pathologies constructives (infiltrations, ponts thermiques, moisissures) et les dysfonctionnements des équipements. Cette phase implique :

  • La collecte exhaustive des documents techniques (plans, historique des travaux, factures énergétiques)
  • Des visites d’inspection minutieuses des parties communes et d’un échantillon représentatif de logements privés
  • Des mesures in situ (thermographie infrarouge, test d’étanchéité à l’air, mesures hygrométriques)
  • Des entretiens avec les occupants pour identifier les problèmes d’usage et de confort

La modélisation thermique du bâtiment constitue la deuxième étape. Elle doit tenir compte des spécificités des copropriétés dégradées, notamment :

Les logiciels de simulation thermique dynamique sont privilégiés pour leur capacité à modéliser finement les comportements thermiques complexes. Contrairement aux méthodes de calcul conventionnelles, ils permettent d’intégrer l’impact des pathologies du bâtiment et des comportements réels des occupants.

Prise en compte des facteurs socio-économiques

L’analyse socio-économique constitue une dimension fondamentale de l’audit en copropriété dégradée. L’auditeur doit évaluer :

La solvabilité des copropriétaires et leur capacité à financer des travaux

Les situations de précarité énergétique et leurs conséquences (restrictions de chauffage, impayés)

La présence de propriétaires bailleurs et leur intérêt pour la valorisation patrimoniale

Les dynamiques collectives et la gouvernance de la copropriété (taux de participation aux assemblées, conflits internes)

Cette analyse permet d’adapter les préconisations de travaux aux réalités sociales de la copropriété et d’identifier les leviers d’action pertinents.

La troisième phase consiste à élaborer des scénarios de rénovation adaptés. Pour les copropriétés dégradées, ces scénarios doivent :

Hiérarchiser les interventions en traitant prioritairement les pathologies affectant la santé des occupants et la pérennité du bâti

Proposer un phasage réaliste des travaux, compatible avec les capacités financières de la copropriété

Intégrer les opportunités de valorisation immobilière (surélévation, aménagement de combles, création de locaux commerciaux) pour générer des recettes complémentaires

Maximiser la mobilisation des dispositifs d’aide spécifiques aux copropriétés dégradées (ANAH, collectivités territoriales, prêts bonifiés)

L’audit énergétique doit aboutir à un rapport clair et pédagogique, adapté à la diversité des profils de copropriétaires. Une attention particulière doit être portée à la restitution des résultats, avec :

Une présentation en assemblée générale avec supports visuels explicites

Des documents synthétiques vulgarisant les aspects techniques complexes

Des simulations financières individualisées présentant le reste à charge pour chaque copropriétaire après déduction des aides

La méthodologie de l’audit énergétique en copropriété dégradée s’apparente ainsi davantage à une démarche d’ingénierie sociale et technique qu’à un simple diagnostic thermique. Elle nécessite une équipe pluridisciplinaire associant thermiciens, économistes de la construction, spécialistes du bâti ancien et, idéalement, sociologues ou conseillers en économie sociale et familiale.

Gouvernance et accompagnement : les clés d’une démarche réussie

La réussite d’un audit énergétique en copropriété dégradée repose largement sur la qualité de la gouvernance et de l’accompagnement mis en place. Ces deux dimensions sont particulièrement déterminantes dans un contexte où les fragilités organisationnelles et sociales se superposent aux problématiques techniques.

La première difficulté réside dans la mobilisation des instances de gouvernance de la copropriété. Dans les ensembles dégradés, le conseil syndical est souvent affaibli, voire inexistant. Le syndic peut se trouver débordé par la gestion des urgences quotidiennes ou, dans certains cas, se désengager face à l’ampleur des difficultés. Pour surmonter ces obstacles, plusieurs leviers peuvent être activés :

  • La nomination d’un administrateur provisoire dans les cas les plus critiques, conformément à l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965
  • La mise en place d’un portage ciblé par un opérateur public (établissement public foncier, bailleur social) pour acquérir des lots stratégiques et peser dans les décisions collectives
  • La création d’une commission énergie dédiée au sein du conseil syndical, avec l’appui de copropriétaires motivés

L’engagement d’un audit énergétique requiert une préparation minutieuse en amont. Le vote en assemblée générale constitue une étape critique qui nécessite :

Une sensibilisation préalable des copropriétaires aux enjeux énergétiques et patrimoniaux, via des réunions d’information, des affichages dans les parties communes ou des courriers personnalisés

Une présentation claire du cahier des charges de l’audit, avec des explications sur son contenu, ses objectifs et son déroulement

Une information transparente sur le coût de la prestation et les aides financières mobilisables pour la financer

Dans les copropriétés dégradées, l’accompagnement par des structures spécialisées s’avère souvent indispensable. Les opérateurs d’ingénierie sociale mandatés dans le cadre des dispositifs publics (OPAH-CD, plan de sauvegarde, ORCOD) jouent un rôle fondamental. Leur mission comprend :

L’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la sélection du prestataire d’audit et le suivi de sa mission

La médiation entre les différentes parties prenantes (copropriétaires, syndic, bureaux d’études)

L’animation de réunions de concertation pour définir collectivement les priorités d’intervention

L’accompagnement social individualisé des ménages en difficulté, avec orientation vers les dispositifs d’aide adaptés

La coordination avec les services des collectivités territoriales et de l’État

Le choix du prestataire pour réaliser l’audit constitue une étape décisive. Dans le cas spécifique des copropriétés dégradées, les compétences recherchées dépassent la simple expertise thermique :

Une connaissance approfondie des pathologies du bâti ancien et des techniques de réhabilitation adaptées

Une expérience avérée des problématiques spécifiques aux copropriétés en difficulté

Des capacités pédagogiques pour expliquer des notions techniques complexes à un public non-initié

Une approche pluridisciplinaire intégrant les dimensions techniques, économiques et sociales

Impliquer les copropriétaires tout au long du processus

La participation active des copropriétaires constitue un facteur déterminant de réussite. Pour favoriser cette implication, plusieurs approches ont fait leurs preuves :

L’organisation d’ateliers participatifs permettant aux habitants d’exprimer leurs besoins et attentes

La désignation de référents par cage d’escalier ou par bâtiment pour faciliter la diffusion d’information et le recueil des problématiques

La mise en place d’outils numériques collaboratifs (plateforme d’échange, groupe de messagerie) adaptés au profil des copropriétaires

Des visites pédagogiques d’opérations de rénovation réussies sur des copropriétés comparables

L’articulation avec les dispositifs publics de traitement des copropriétés dégradées constitue un enjeu majeur. L’audit énergétique doit s’inscrire dans une stratégie globale de redressement, en coordination avec :

Le plan de sauvegarde ou l’OPAH Copropriétés Dégradées lorsqu’ils existent

Les interventions sur l’habitat indigne menées par les services d’hygiène

Les actions de développement social urbain déployées dans le quartier

Les projets urbains susceptibles de revaloriser l’environnement de la copropriété

Une gouvernance efficace de l’audit énergétique implique ainsi la mise en place d’une véritable ingénierie de projet adaptée aux spécificités des copropriétés dégradées. Cette approche intégrée permet de dépasser les blocages habituels et de transformer l’obligation réglementaire en opportunité de redressement durable.

Financement et montage économique : surmonter l’obstacle financier

La dimension financière constitue souvent le principal frein à la réalisation d’un audit énergétique de qualité dans les copropriétés dégradées. Pourtant, des solutions existent pour surmonter cet obstacle, tant pour financer l’audit lui-même que pour préparer le financement des travaux qu’il préconisera.

Le coût d’un audit énergétique varie considérablement selon la taille et la complexité de la copropriété. Pour un immeuble de taille moyenne (30 à 50 lots), il se situe généralement entre 8 000 et 15 000 euros TTC. Ce montant peut paraître prohibitif pour des copropriétés déjà fragilisées financièrement, mais plusieurs dispositifs d’aide permettent de l’alléger significativement :

  • Le programme MaPrimeRénov’ Copropriété de l’ANAH finance jusqu’à 30% du montant HT de l’audit, dans la limite de 5 000 euros
  • Les collectivités territoriales (régions, départements, intercommunalités) proposent souvent des subventions complémentaires pouvant couvrir 20 à 50% du reste à charge
  • Dans le cadre des opérations programmées (OPAH-CD, Plan de sauvegarde), le financement peut atteindre 100% du coût de l’audit

Pour les copropriétés en grande difficulté, le Fonds d’aide à la rénovation thermique (FART) peut être mobilisé en complément. De même, certains fournisseurs d’énergie proposent des financements dans le cadre du dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE).

La préparation du plan de financement constitue une étape fondamentale de l’audit énergétique en copropriété dégradée. Au-delà de l’estimation des coûts de travaux, l’auditeur doit élaborer une véritable ingénierie financière comprenant :

Une analyse détaillée des aides collectives mobilisables pour la copropriété :

Les subventions de l’ANAH dans le cadre de MaPrimeRénov’ Copropriété (jusqu’à 25% du montant des travaux plafonné à 15 000 € par logement)

Les aides des collectivités territoriales dans le cadre de leurs politiques de l’habitat et de transition énergétique

Les primes CEE bonifiées pour les copropriétés en situation de précarité énergétique

Les financements spécifiques aux copropriétés dégradées (aide au redressement de la gestion, aide au portage ciblé)

Un recensement exhaustif des aides individuelles auxquelles peuvent prétendre les copropriétaires selon leur profil :

MaPrimeRénov’ individuelle pour les propriétaires occupants sous conditions de ressources

Les aides de l’ANAH pour les propriétaires modestes et très modestes (jusqu’à 50% du montant des travaux)

L’éco-PTZ copropriétés accessible sans condition de ressources

Le prêt avance rénovation garanti par l’État pour les propriétaires âgés

Les aides locales spécifiques (caisses de retraite, action logement, etc.)

Une étude des solutions de préfinancement adaptées aux copropriétés fragiles :

Le préfinancement des subventions par des opérateurs spécialisés pour éviter l’avance de trésorerie

Les avances du Fonds de travaux obligatoire (5% minimum du budget prévisionnel)

Les prêts collectifs à adhésion volontaire proposés par certains établissements bancaires

Valorisation patrimoniale et retour sur investissement

L’audit énergétique doit comporter un volet économique démontrant l’intérêt financier de la rénovation. Cette analyse doit présenter :

L’impact sur la valeur patrimoniale des logements, avec une estimation de la plus-value potentielle après travaux. Dans les copropriétés dégradées, cette plus-value peut être substantielle, de l’ordre de 10 à 25% selon les marchés immobiliers locaux.

Le retour sur investissement calculé en intégrant :

Les économies d’énergie réalisées sur la durée

La réduction des charges de maintenance et d’entretien

La valorisation locative pour les bailleurs

L’amélioration du confort et de la qualité de vie, difficilement quantifiable mais déterminante

Pour les copropriétés les plus dégradées, des solutions innovantes de financement peuvent être explorées :

La valorisation du foncier par des opérations de densification (surélévation, construction dans les dents creuses) générant des recettes pour financer partiellement la rénovation

Les contrats de performance énergétique avec tiers-financement, où un opérateur avance tout ou partie du coût des travaux et se rémunère sur les économies d’énergie réalisées

Les sociétés de tiers-financement régionales qui proposent une offre intégrée d’accompagnement technique et de financement

La mobilisation de fonds européens (FEDER, programme ELENA) pour les projets exemplaires

La communication sur le plan de financement auprès des copropriétaires constitue un aspect déterminant. Elle doit être personnalisée pour présenter à chaque propriétaire :

Le coût initial de sa quote-part de travaux

Les aides auxquelles il peut prétendre selon son profil

Le reste à charge après déduction des aides

Les solutions de financement adaptées à sa situation (prêts, préfinancement)

L’impact mensuel sur sa trésorerie en tenant compte des économies d’énergie

Cette approche financière détaillée et personnalisée permet de démontrer que, malgré l’investissement initial conséquent, la rénovation énergétique d’une copropriété dégradée peut représenter une opération économiquement viable, voire avantageuse à moyen terme pour les copropriétaires.

Des recommandations à l’action : transformation de l’audit en projet de rénovation

L’audit énergétique ne constitue pas une fin en soi mais le point de départ d’une dynamique de rénovation. Cette phase de transition entre diagnostic et action représente un moment décisif, particulièrement dans les copropriétés dégradées où les freins à la décision collective sont nombreux.

La restitution des résultats de l’audit constitue une étape stratégique qui conditionnera largement la suite du processus. Elle doit être soigneusement préparée pour favoriser l’appropriation des enjeux par les copropriétaires :

La présentation en assemblée générale doit être claire, pédagogique et visuellement explicite, avec des supports adaptés au public présent

Des réunions préparatoires en plus petit comité (conseil syndical, commission énergie) permettent d’identifier les points nécessitant une attention particulière

Une synthèse écrite accessible doit être diffusée en complément du rapport technique complet

Des permanences ou consultations individuelles peuvent être organisées pour répondre aux questions spécifiques des copropriétaires

La hiérarchisation des interventions proposées par l’audit doit faire l’objet d’un travail collectif pour aboutir à un programme de travaux adapté aux spécificités de la copropriété. Cette priorisation doit tenir compte :

Des urgences techniques identifiées (sécurité des personnes, pérennité du bâti)

De l’efficience des investissements (rapport coût/bénéfice énergétique)

Des contraintes financières de la copropriété et de ses occupants

Des opportunités liées aux cycles d’entretien du bâtiment ou aux dispositifs d’aide temporaires

Des synergies possibles entre différents types d’intervention

Du plan d’actions au vote des travaux

La transformation des recommandations de l’audit en décisions opérationnelles nécessite une méthodologie rigoureuse :

L’élaboration d’une feuille de route détaillant les étapes du projet de rénovation, avec un calendrier réaliste tenant compte des contraintes spécifiques aux copropriétés dégradées

La constitution d’une équipe projet associant membres du conseil syndical, syndic, assistance à maîtrise d’ouvrage et, le cas échéant, opérateur du dispositif public d’accompagnement

La consultation de maîtres d’œuvre pour affiner les scénarios de travaux, préciser les coûts et élaborer les cahiers des charges techniques

La préparation minutieuse des votes en assemblée générale, avec une stratégie de communication adaptée et une anticipation des objections éventuelles

Pour les copropriétés dégradées, la progressivité de la démarche s’avère souvent déterminante. Il peut être judicieux de :

Commencer par des travaux emblématiques à forte visibilité et impact immédiat pour créer une dynamique positive

Privilégier initialement les interventions bénéficiant des taux de subvention les plus élevés

Mettre en œuvre des opérations-test sur une partie du bâtiment pour démontrer concrètement les bénéfices

Articuler les travaux énergétiques avec la résolution des problématiques quotidiennes qui préoccupent les copropriétaires

La mobilisation des dispositifs d’accompagnement spécifiques aux copropriétés dégradées constitue un levier majeur pour concrétiser les préconisations de l’audit :

  • L’intégration dans un dispositif opérationnel (OPAH-CD, plan de sauvegarde, ORCOD) offre un cadre structurant avec un accompagnement technique, social et financier renforcé
  • Le recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) spécialisée, financée jusqu’à 90% dans certains dispositifs, permet de pallier les faiblesses de la maîtrise d’ouvrage collective
  • L’intervention d’un opérateur de portage ciblé peut faciliter la prise de décision en acquérant temporairement des lots stratégiques

La gestion de projet appliquée à la rénovation énergétique en copropriété dégradée présente des spécificités qui nécessitent une attention particulière :

La coordination entre interventions techniques, accompagnement social et montage financier exige une gouvernance adaptée

La communication doit être maintenue tout au long du processus, avec des points d’étape réguliers

Le suivi des indicateurs de performance (consommations, confort, charges) permet de valoriser les premiers résultats

L’évaluation continue du projet autorise des ajustements en fonction des difficultés rencontrées

Vers une dynamique vertueuse de requalification

L’expérience montre que la réussite des premiers travaux issus de l’audit énergétique peut enclencher une dynamique vertueuse de requalification globale de la copropriété :

L’amélioration visible du cadre de vie renforce la fierté d’appartenance et l’implication des copropriétaires

La réduction des charges améliore la situation financière de la copropriété et diminue les impayés

La valorisation patrimoniale attire de nouveaux propriétaires occupants, stabilisant la structure sociale

Le renforcement de la gouvernance facilite la gestion quotidienne et la programmation d’autres travaux

La transformation de l’audit en projet concret de rénovation dans les copropriétés dégradées requiert ainsi une approche globale, progressive et fortement accompagnée. Cette phase de transition constitue le véritable test de la pertinence et de l’applicabilité de l’audit réalisé. Sa réussite dépend largement de la capacité à maintenir la mobilisation collective dans la durée et à adapter continuellement la stratégie aux réalités mouvantes de la copropriété.

Perspectives et évolutions : l’avenir de la rénovation énergétique des copropriétés fragiles

La rénovation énergétique des copropriétés dégradées s’inscrit dans un paysage en pleine mutation, tant sur le plan réglementaire que technique et financier. Ces évolutions dessinent de nouvelles perspectives pour l’audit énergétique et sa transformation en projets de rénovation efficaces.

L’évolution du cadre réglementaire constitue un puissant moteur de transformation. Les principales tendances observables sont :

Le renforcement des obligations de travaux, avec l’interdiction progressive de location des logements énergivores (classe F et G en 2025, classe E en 2034)

L’instauration d’un carnet d’information du logement obligatoire à partir du 1er janvier 2023, qui facilitera le suivi des interventions et la programmation des travaux futurs

La généralisation du Plan Pluriannuel de Travaux (PPT) obligatoire, qui systématisera la planification à long terme des interventions

L’intégration croissante des problématiques d’adaptation au changement climatique dans les rénovations énergétiques (confort d’été, gestion des eaux pluviales, végétalisation)

Ces évolutions réglementaires transforment progressivement l’audit énergétique d’une simple obligation ponctuelle en un outil stratégique de gestion patrimoniale à long terme.

Sur le plan technique, plusieurs innovations promettent de faciliter la rénovation des copropriétés dégradées :

Les solutions industrialisées de rénovation par l’extérieur, avec des éléments préfabriqués intégrant isolation, menuiseries et ventilation, permettent de réduire les délais d’intervention et les nuisances pour les occupants

Les outils numériques de diagnostic (scanner 3D, thermographie aérienne, monitoring énergétique) améliorent la précision des audits et facilitent la communication des résultats

Les matériaux biosourcés offrent des solutions adaptées aux spécificités du bâti ancien, fréquent dans les copropriétés dégradées, tout en répondant aux enjeux environnementaux

Les systèmes de pilotage intelligent des équipements permettent d’optimiser les consommations et de suivre précisément les performances post-travaux

Vers de nouveaux modèles économiques et sociaux

L’ingénierie financière de la rénovation énergétique connaît également des évolutions significatives :

Le développement des sociétés de tiers-financement régionales qui proposent une offre intégrée d’accompagnement technique et de solution financière clé en main

L’émergence de mécanismes assurantiels garantissant les économies d’énergie projetées, réduisant ainsi le risque perçu par les copropriétaires

La structuration d’offres bancaires spécifiques aux copropriétés fragiles, avec des prêts collectifs adaptés à leur situation financière particulière

La monétisation des bénéfices environnementaux et sociaux des rénovations (valorisation carbone, réduction des coûts sanitaires liés à la précarité énergétique)

Ces innovations financières tendent à transformer l’approche économique de la rénovation, en passant d’une logique de coût à amortir à une logique d’investissement à rentabiliser.

Sur le plan de la gouvernance et de l’accompagnement, de nouvelles approches émergent :

Les démarches participatives associant plus étroitement les habitants à la conception et au suivi des projets de rénovation

Le développement d’écosystèmes locaux d’acteurs spécialisés dans le redressement des copropriétés dégradées

L’intégration de la dimension sanitaire dans les projets de rénovation, en lien avec les problématiques de qualité de l’air intérieur et de pathologies liées à l’habitat dégradé

La professionnalisation des conseils syndicaux, avec des formations dédiées et des outils de gestion adaptés

Ces évolutions dessinent progressivement un modèle d’intervention plus intégré et systémique sur les copropriétés dégradées.

Les politiques publiques tendent également à évoluer vers une approche plus globale et territorialisée :

  • L’articulation croissante entre rénovation énergétique et renouvellement urbain, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville
  • Le développement de stratégies territoriales ciblant spécifiquement les copropriétés fragiles à l’échelle des intercommunalités
  • L’intégration de la rénovation énergétique des copropriétés dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET)
  • L’expérimentation de démonstrateurs à l’échelle de quartiers entiers, associant interventions sur les copropriétés et aménagements urbains

Cette territorialisation des politiques permet une meilleure prise en compte des spécificités locales et une coordination plus efficace des interventions publiques.

À plus long terme, la massification de la rénovation énergétique des copropriétés dégradées constitue un défi majeur. Elle suppose :

La standardisation de certaines approches et solutions, tout en préservant l’adaptation aux spécificités de chaque copropriété

La formation massive des professionnels aux problématiques spécifiques des copropriétés fragiles

Le développement d’une filière économique dédiée, créatrice d’emplois locaux non délocalisables

L’évaluation systématique des interventions pour capitaliser sur les expériences réussies et éviter la reproduction des échecs

En définitive, l’avenir de la rénovation énergétique des copropriétés dégradées réside dans une approche toujours plus intégrée, associant performance technique, ingénierie sociale, innovation financière et gouvernance adaptée. L’audit énergétique, en constante évolution, demeure la pierre angulaire de cette démarche, à condition qu’il soit conçu non comme une simple obligation réglementaire mais comme un véritable outil stratégique au service d’un projet global de requalification.