La mobilité professionnelle au sein de l’Union Européenne soulève des questions complexes en matière de fiscalité de l’épargne retraite. Le Plan d’Épargne Retraite (PER), dispositif phare de l’épargne retraite en France depuis la loi PACTE, présente des spécificités fiscales qui peuvent s’avérer délicates à appréhender lors d’une expatriation. Entre règles nationales, conventions fiscales bilatérales et droit européen, les détenteurs de PER doivent naviguer dans un environnement juridique fragmenté. Cette analyse approfondie vise à clarifier le traitement fiscal du PER dans un contexte transfrontalier, à identifier les risques potentiels et à proposer des stratégies d’optimisation pour les épargnants mobiles au sein de l’espace européen.
Fondamentaux du PER et principes de territorialité fiscale
Le Plan d’Épargne Retraite (PER), institué par la loi PACTE de 2019, constitue un dispositif central de l’épargne retraite française. Sa structure fiscale repose sur un principe fondamental : la déductibilité des versements volontaires à l’entrée, en contrepartie d’une imposition à la sortie. Cette mécanique fiscale, dite EET (Exempt-Exempt-Taxed), diffère considérablement des régimes appliqués dans d’autres pays européens.
Le principe de territorialité régit la fiscalité française. Selon l’article 4 A du Code Général des Impôts, les personnes domiciliées fiscalement en France sont imposables sur l’ensemble de leurs revenus, quelle que soit leur source géographique. À l’inverse, les non-résidents fiscaux français ne sont imposables en France que sur leurs revenus de source française, conformément à l’article 4 B du CGI.
La qualification fiscale des produits issus du PER varie selon la phase considérée :
- Durant la phase d’épargne, les versements volontaires peuvent être déduits du revenu imposable dans certaines limites
- Pendant la phase de détention, les plus-values et produits capitalisés sont exonérés d’imposition
- Lors de la phase de restitution, les sommes perçues sont soumises à l’impôt selon des modalités variables (rente ou capital)
Cette structure fiscale devient particulièrement problématique dans un contexte de mobilité transfrontalière. Un résident français ayant bénéficié d’avantages fiscaux lors de la constitution de son épargne peut se retrouver dans un pays qui appliquera sa propre fiscalité lors du dénouement du plan, créant potentiellement des situations de double imposition ou, plus rarement, de double exonération.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu plusieurs arrêts significatifs concernant la fiscalité de l’épargne retraite transfrontalière, notamment l’arrêt C-136/00 Danner et l’arrêt C-150/04 Commission/Danemark. Ces jurisprudences établissent que les restrictions à la déductibilité des cotisations versées à des régimes de retraite étrangers peuvent constituer une entrave à la libre circulation garantie par le droit européen.
Pour déterminer le régime fiscal applicable à un PER dans un contexte transfrontalier, il convient d’analyser trois sources juridiques hiérarchisées :
- Le droit interne de chaque État concerné
- Les conventions fiscales bilatérales applicables
- Le droit de l’Union européenne, qui prime sur les dispositions nationales contraires
Cette complexité juridique nécessite une approche méthodique pour éviter les pièges fiscaux lors d’une mobilité intra-européenne avec un PER.
Impacts fiscaux du départ vers un autre État membre
Conséquences immédiates du changement de résidence fiscale
Le transfert de résidence fiscale d’un détenteur de PER vers un autre État membre de l’UE engendre des effets fiscaux immédiats et différés. La première question critique concerne le maintien des avantages fiscaux obtenus pendant la phase de constitution de l’épargne en France.
Contrairement à d’autres produits d’épargne, le PER ne fait pas l’objet d’une exit tax spécifique lors du départ du contribuable. Toutefois, les versements effectués après le changement de résidence fiscale ne bénéficient plus de la déductibilité fiscale française, sauf exceptions prévues par certaines conventions fiscales. L’expatrié perd donc un avantage fiscal significatif s’il souhaite continuer à alimenter son PER.
La fiscalité des revenus générés par le PER pendant la phase de détention reste généralement neutre, ces revenus étant capitalisés en franchise d’impôt. Néanmoins, certains pays peuvent considérer cette exonération comme contraire à leurs principes fiscaux et tenter d’imposer les revenus latents selon leur droit interne.
Concernant les cas de déblocage anticipé (achat de résidence principale, invalidité, décès du conjoint, etc.), le changement de résidence fiscale peut modifier substantiellement le traitement fiscal des sommes perçues. Si la France conserve un droit d’imposition sur ces sommes en tant qu’État source, le pays de résidence peut revendiquer le droit d’imposer ces mêmes revenus, créant un risque de double imposition.
Traitement des versements effectués après l’expatriation
Les versements sur un PER après expatriation soulèvent des interrogations pratiques et juridiques. Le maintien d’un PER après le départ de France n’est pas interdit par la réglementation française. Toutefois, l’absence d’avantage fiscal à l’entrée rend cette option généralement peu attractive.
Certains pays de résidence peuvent offrir des avantages fiscaux pour les versements effectués sur des produits d’épargne retraite étrangers, y compris le PER français. Cette possibilité dépend :
- Du droit interne du pays d’accueil
- Des dispositions de la convention fiscale applicable
- De l’application du principe de non-discrimination issu du droit européen
La jurisprudence européenne, notamment l’arrêt Bachmann (C-204/90), a établi que les États membres ne peuvent refuser la déduction fiscale des cotisations versées à des régimes de retraite étrangers si ces régimes présentent des caractéristiques équivalentes aux régimes nationaux bénéficiant d’avantages fiscaux.
Dans la pratique, de nombreux expatriés préfèrent suspendre leurs versements sur leur PER français et privilégier des produits d’épargne retraite locaux offrant des avantages fiscaux dans leur nouveau pays de résidence. Cette stratégie nécessite une analyse comparative des produits disponibles et de leur traitement fiscal à long terme.
Pour les frontaliers travaillant en France mais résidant dans un autre État membre, des règles spécifiques peuvent s’appliquer en vertu des conventions fiscales, permettant parfois de maintenir certains avantages fiscaux français malgré la résidence à l’étranger.
Fiscalité du PER lors de la phase de restitution à l’étranger
La phase de restitution d’un PER constitue un moment critique sur le plan fiscal, particulièrement pour les détenteurs résidant hors de France. Le traitement fiscal varie considérablement selon la forme de restitution choisie (capital ou rente) et le pays de résidence au moment du dénouement.
Sortie en capital : un enjeu fiscal majeur
La sortie en capital d’un PER pour un non-résident soulève des questions complexes de qualification fiscale et de droit d’imposition. En droit interne français, les sommes issues de versements déductibles sont soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu pour la part correspondant aux versements, et aux prélèvements sociaux et à la flat tax (PFU) pour la part correspondant aux gains.
Pour un non-résident, l’article 163 bis du CGI prévoit que ces sommes constituent des revenus de source française. Toutefois, les conventions fiscales bilatérales peuvent modifier cette règle en attribuant le droit d’imposition exclusif à l’État de résidence. L’analyse de la convention fiscale applicable devient donc déterminante.
La qualification conventionnelle de ces revenus varie selon les conventions :
- Pensions (article équivalent à l’article 18 du modèle OCDE)
- Autres revenus (article équivalent à l’article 21 du modèle OCDE)
- Plus rarement, revenus d’épargne ou revenus du capital
Cette qualification détermine l’État (source ou résidence) qui détient le droit d’imposer et le taux applicable. Un même revenu peut ainsi être totalement exonéré dans un pays et lourdement taxé dans un autre, selon la convention applicable.
Les prélèvements sociaux français (actuellement 17,2%) constituent un enjeu supplémentaire. Pour les résidents d’un État membre de l’UE, de l’EEE ou de Suisse, une exonération est prévue s’ils sont affiliés à un régime obligatoire de sécurité sociale dans leur pays de résidence, conformément à la jurisprudence De Ruyter de la CJUE.
Sortie en rente viagère : traitement fiscal international
La sortie en rente viagère présente un profil fiscal différent. En droit interne français, ces rentes sont imposées selon le régime des pensions et rentes viagères avec application d’un abattement de 10%. Pour les non-résidents, l’imposition dépend largement des conventions fiscales.
La plupart des conventions fiscales qualifient ces rentes de pensions au sens conventionnel. Selon le modèle OCDE (article 18), les pensions sont imposables exclusivement dans l’État de résidence du bénéficiaire. Toutefois, de nombreuses conventions prévoient des clauses spécifiques permettant à l’État source (la France dans notre cas) de conserver un droit d’imposition, parfois limité à un certain pourcentage.
Par exemple :
- La convention franco-allemande attribue l’imposition exclusive à l’État de résidence
- La convention franco-belge permet à la France d’imposer les pensions qu’elle verse, la Belgique accordant un crédit d’impôt
- La convention franco-espagnole prévoit un partage du droit d’imposition
Les rentes issues de versements non déduits fiscalement en France peuvent bénéficier d’un régime plus favorable, avec une fraction seulement de la rente soumise à l’impôt. Toutefois, prouver l’absence de déduction antérieure peut s’avérer complexe pour un non-résident, surtout après plusieurs années.
Pour les résidents de pays n’ayant pas conclu de convention fiscale avec la France (situation rare au sein de l’UE), une retenue à la source spécifique s’applique sur les pensions de source française, avec un taux de 12% pour la fraction n’excédant pas la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu, et de 20% pour la fraction supérieure.
Analyse comparative des régimes fiscaux européens de l’épargne retraite
La diversité des régimes fiscaux applicables à l’épargne retraite au sein de l’Union Européenne constitue un défi majeur pour les détenteurs de PER en situation de mobilité. Cette hétérogénéité s’explique par l’absence d’harmonisation fiscale européenne en matière d’imposition directe, domaine où la souveraineté nationale demeure prédominante.
Typologie des régimes fiscaux européens
Les régimes fiscaux de l’épargne retraite en Europe peuvent être classifiés selon trois modèles principaux :
- Le régime EET (Exempt-Exempt-Taxed) : déduction des cotisations, exonération des produits capitalisés, imposition des prestations. Ce modèle, adopté par la France pour le PER, est majoritaire en Europe (Allemagne, Belgique, Finlande, Pays-Bas)
- Le régime TEE (Taxed-Exempt-Exempt) : pas de déduction des cotisations, exonération des produits capitalisés et des prestations. Ce modèle est appliqué notamment en Hongrie et partiellement au Luxembourg
- Le régime ETT (Exempt-Taxed-Taxed) : déduction des cotisations, imposition des produits capitalisés et des prestations. Ce système est en vigueur au Danemark et en Suède
Cette diversité crée des situations potentiellement avantageuses ou pénalisantes lors d’une mobilité transfrontalière. Par exemple, un détenteur de PER ayant bénéficié de déductions fiscales en France (régime EET) qui s’installerait dans un pays appliquant un régime TEE pourrait subir une double imposition : une fois lors de la constitution de l’épargne dans le pays d’accueil, une seconde fois lors de la perception des prestations en France.
Analyse de cas spécifiques par pays
L’Allemagne a adopté un régime EET similaire au système français, mais avec des plafonds de déductibilité différents. La convention fiscale franco-allemande attribue généralement l’imposition des pensions à l’État de résidence. Un détenteur de PER s’installant en Allemagne verrait ses prestations imposées selon le droit fiscal allemand, avec un barème progressif pouvant atteindre 45%, mais bénéficierait potentiellement de la déductibilité de ses versements futurs selon le droit allemand.
La Belgique présente un système hybride avec des produits d’épargne retraite relevant de régimes fiscaux différents. La convention fiscale franco-belge maintient généralement le droit d’imposition de la France sur les pensions qu’elle verse, la Belgique accordant un crédit d’impôt. Cette situation peut créer une complexité administrative pour le contribuable, tenu de déclarer ces revenus dans les deux pays.
Le Portugal a mis en place un régime fiscal attractif pour les retraités étrangers avec le statut de Résident Non Habituel (RNH), permettant sous certaines conditions une exonération totale d’impôt sur les pensions étrangères pendant dix ans. Cette situation peut s’avérer particulièrement avantageuse pour les détenteurs de PER, bien que des modifications récentes aient introduit un taux forfaitaire de 10% sur certaines pensions.
L’Italie applique un régime EET avec des spécificités concernant l’imposition des prestations. La convention fiscale franco-italienne prévoit généralement que les pensions privées sont imposables uniquement dans l’État de résidence du bénéficiaire. Un détenteur de PER résidant en Italie verrait donc ses prestations soumises à l’impôt italien, avec un barème progressif pouvant atteindre 43%.
Le Luxembourg offre un cadre fiscal particulièrement sophistiqué, avec des produits d’épargne retraite bénéficiant de régimes fiscaux variés. La convention fiscale franco-luxembourgeoise attribue généralement l’imposition des pensions privées à l’État de résidence, mais avec des exceptions notables pour certains types de prestations.
Cette diversité souligne l’importance d’une analyse préalable approfondie avant toute décision de mobilité intra-européenne pour les détenteurs de PER, afin d’anticiper les conséquences fiscales à court, moyen et long terme.
Stratégies d’optimisation et recommandations pratiques
Face à la complexité fiscale du PER dans un contexte de mobilité européenne, diverses stratégies peuvent être envisagées pour optimiser la situation fiscale du détenteur. Ces approches doivent être soigneusement évaluées au regard des spécificités individuelles et du cadre juridique applicable.
Planification préalable à l’expatriation
La préparation fiscale avant le départ constitue une étape déterminante pour les détenteurs de PER envisageant une mobilité intra-européenne. Plusieurs options méritent d’être analysées :
L’arbitrage sur le mode de sortie (capital ou rente) peut être anticipé en fonction du régime fiscal du pays de destination. Dans certains cas, il peut être judicieux de procéder à un rachat partiel avant le transfert de résidence fiscale, particulièrement si la convention fiscale applicable attribue au pays de destination un droit d’imposition exclusif sur les pensions avec un taux supérieur au taux français.
Le timing de l’expatriation par rapport au cycle de vie du PER peut s’avérer stratégique. Par exemple, s’expatrier après avoir effectué des versements déductibles mais avant la phase de restitution peut permettre, dans certaines configurations conventionnelles, de bénéficier d’un avantage fiscal à l’entrée en France tout en profitant d’une fiscalité plus légère à la sortie dans le pays de résidence.
La diversification des produits d’épargne retraite entre différents véhicules fiscaux (PER, assurance-vie, PEA…) offre une flexibilité accrue face aux aléas fiscaux internationaux. Cette approche permet d’adapter la stratégie de décumulation en fonction de l’évolution de la situation personnelle et du cadre fiscal.
Options durant la période d’expatriation
Pendant la période de résidence à l’étranger, plusieurs stratégies peuvent être déployées :
L’analyse comparative des produits d’épargne retraite locaux et français permet d’orienter les nouveaux versements vers les véhicules offrant le meilleur rendement fiscal global. Dans certains cas, il peut être préférable de suspendre les versements sur le PER français au profit de produits locaux bénéficiant d’avantages fiscaux dans le pays de résidence.
La valorisation du PER existant peut être optimisée par des arbitrages entre les supports d’investissement, en tenant compte de la fiscalité applicable aux plus-values dans le pays de résidence. Certains pays européens offrent des régimes fiscaux privilégiés pour certaines classes d’actifs, créant des opportunités d’optimisation.
Le maintien d’une connexion fiscale avec la France peut s’avérer avantageux dans certaines situations, notamment pour les frontaliers ou les personnes conservant des revenus significatifs de source française. Cette situation peut permettre de continuer à bénéficier de certains avantages fiscaux français malgré la résidence à l’étranger.
- Pour les frontaliers, vérifier les dispositions spécifiques des conventions fiscales
- Pour les détenteurs de biens immobiliers en France, examiner l’impact sur le statut fiscal global
- Pour les détenteurs de revenus professionnels de source française, analyser les possibilités de fractionnement fiscal
Stratégies de retour en France
Le retour en France après une période d’expatriation nécessite également une planification fiscale minutieuse :
Le timing du retour par rapport au dénouement du PER peut être optimisé pour éviter des situations fiscalement défavorables. Dans certains cas, il peut être préférable de procéder à la liquidation du PER avant le retour en France, particulièrement si le pays de résidence offre un régime fiscal plus avantageux pour ce type de revenus.
La reconstitution des droits à déduction pour les nouveaux versements sur le PER après le retour en France mérite une attention particulière. Les plafonds de déduction non utilisés pendant la période d’expatriation ne sont généralement pas reportables, mais de nouvelles capacités de déduction peuvent être constituées après le retour.
La valorisation des produits d’épargne retraite constitués à l’étranger doit être analysée au regard du droit fiscal français. Dans certains cas, un transfert vers un PER français peut être envisagé, sous réserve des contraintes réglementaires applicables.
Ces stratégies doivent être appréciées à la lumière des évolutions législatives et jurisprudentielles constantes en matière fiscale, tant au niveau national qu’européen. Une veille juridique rigoureuse et un accompagnement par des spécialistes de la fiscalité internationale s’avèrent souvent indispensables pour sécuriser ces opérations d’optimisation.
Perspectives d’évolution et harmonisation européenne
L’avenir du traitement fiscal du PER dans un contexte de mobilité intra-européenne s’inscrit dans un paysage juridique en mutation. Plusieurs tendances émergentes méritent d’être analysées pour anticiper les évolutions potentielles et leurs impacts sur les stratégies patrimoniales transfrontalières.
Initiatives européennes en matière d’harmonisation fiscale
Bien que la fiscalité directe demeure une prérogative nationale, l’Union Européenne développe progressivement des initiatives visant à réduire les obstacles fiscaux à la mobilité des personnes et des capitaux. Le Produit Paneuropéen d’Épargne-Retraite Individuelle (PEPP), institué par le Règlement (UE) 2019/1238, constitue une avancée significative dans cette direction.
Le PEPP vise à créer un cadre standardisé pour l’épargne retraite individuelle au niveau européen, facilitant la portabilité des droits entre États membres. Toutefois, son efficacité reste limitée par l’absence d’harmonisation fiscale, chaque État membre conservant la liberté de déterminer le régime fiscal applicable aux contributions et prestations issues du PEPP.
La Commission européenne a formulé des recommandations encourageant les États membres à accorder au PEPP le même traitement fiscal que celui réservé aux produits nationaux comparables. Cette approche, fondée sur le principe de non-discrimination, pourrait progressivement conduire à une convergence des pratiques fiscales nationales.
Parallèlement, les travaux du Groupe Code de Conduite sur la fiscalité des entreprises pourraient s’étendre à terme à certains aspects de la fiscalité personnelle, notamment concernant les régimes fiscaux préférentiels visant à attirer les retraités fortunés, parfois qualifiés de pratiques fiscales dommageables.
Évolutions jurisprudentielles et impact sur la mobilité des épargnants
La jurisprudence de la CJUE joue un rôle déterminant dans l’évolution du traitement fiscal de l’épargne retraite transfrontalière. Plusieurs arrêts récents témoignent d’une approche de plus en plus favorable à la mobilité des épargnants :
L’arrêt C-480/17 Montag (2019) a confirmé que les règles fiscales nationales ne peuvent restreindre le droit d’un contribuable de déduire les cotisations versées à un régime de retraite établi dans un autre État membre, lorsque ce régime présente des caractéristiques comparables aux régimes nationaux bénéficiant d’avantages fiscaux.
L’affaire C-269/09 Commission/Espagne a condamné les dispositions fiscales espagnoles qui limitaient les avantages fiscaux aux versements effectués sur des produits d’épargne retraite espagnols, excluant les produits similaires d’autres États membres.
Cette jurisprudence, fondée sur les principes de libre circulation et de non-discrimination, pourrait à terme contraindre les États membres à revoir leurs dispositifs fiscaux applicables à l’épargne retraite pour les rendre compatibles avec le droit européen.
Pour les détenteurs de PER, ces évolutions pourraient faciliter la reconnaissance mutuelle des avantages fiscaux entre États membres, réduisant les risques de double imposition ou d’asymétries fiscales pénalisantes lors d’une mobilité intra-européenne.
Défis et opportunités pour les détenteurs de PER
Dans ce contexte évolutif, plusieurs défis et opportunités se dessinent pour les détenteurs de PER envisageant une mobilité européenne :
La digitalisation des services fiscaux et l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales européennes renforcent la transparence et réduisent les possibilités d’optimisation agressive. Parallèlement, ces outils facilitent les démarches administratives des contribuables mobiles, simplifiant potentiellement la gestion fiscale transfrontalière de l’épargne retraite.
L’émergence de nouveaux produits d’épargne retraite conçus pour la mobilité internationale, comme le PEPP, offre des alternatives au PER pour les épargnants anticipant une carrière internationale. La diversification entre ces différents véhicules pourrait constituer une stratégie pertinente pour optimiser la flexibilité fiscale.
La concurrence fiscale entre États membres pour attirer les retraités fortunés, bien que progressivement encadrée, continuera probablement d’offrir des opportunités d’optimisation pour les détenteurs de PER. Les régimes spéciaux comme le statut de Résident Non Habituel au Portugal ou le régime des impatriés en Italie méritent une attention particulière dans la planification fiscale à long terme.
Face à ces évolutions, une approche dynamique et prospective de la gestion fiscale du PER s’impose. La flexibilité et l’adaptabilité deviennent des qualités essentielles dans la construction d’une stratégie patrimoniale résiliente face aux mutations du paysage fiscal européen.
L’accompagnement par des professionnels maîtrisant les spécificités fiscales des différents États membres et les interactions complexes entre fiscalités nationales, conventions bilatérales et droit européen constitue un atout majeur pour naviguer dans cet environnement en constante évolution et transformer les contraintes en opportunités d’optimisation.
